La peur, sous toutes ses formes, a envahi les médias, depuis des mois, voire des années. Mais cette peur (et sa compagne de toujours, la colère) a pénétré l’esprit de beaucoup et à tendance à s’y installer. Ses ravages sont innombrables dans l’esprit de beaucoup, nous l’avons déjà vu lors de la crise Covid.
J’ai écrit il y a quelques mois une longue réflexion sur le lien entre l’Homme moderne et l’invisible (au sens large du terme).
Je vous livre ici la conclusion du livre qui, je trouve, est particulièrement d’actualité.
Ou comment préserver notre esprit peut être une voie de résilience et une possibilité nouvelle et pleine d’espérance, en même temps qu’un grand défi. De notre état d’esprit, notre manière d’être dépendant nos actions. De nos actions dépend l’avenir.

Extrait de L’invisible et l’Homme du 21e siècle (paru aux éditions L’Alchimiste,2022)

“À l’heure où la pensée personnelle, nos convictions personnelles, notre vie privée font face à une offensive jamais vue dans l’histoire humaine, il est plus que temps de nous assumer et de défendre notre esprit.
L’addiction à la conformité est si puissante et si savamment travaillée aujourd’hui par les mass médias et les réseaux sociaux, qu’elle met désormais en danger non seulement notre intimité et notre vécu personnel, mais aussi le développement même de ce qui peut guider l’humanité : l’écoute sensible du monde, l’intuition et toute la culture spirituelle qui y sont liées.
Notre intimité, nos données personnelles sur le web, mais aussi nos droits, sont en danger. Mais bien pire : notre esprit, notre « attention » sont en passe d’être aspirés, voire piratés.

D’un défi, faisons une grâce.
Toutefois, ce qu’il en ressort est que notre pensée intime elle-même est menacée de piratage. Notre esprit doit être gardé pour ne pas subir d’invasions et le meilleur moyen pour le préserver est encore et toujours l’énergie de l’attention, la conscience d’être. Et donc mettre à disposition de nous-même suffisamment d’énergie pour rester en présence.

Notre attention, notre capacité de concentration ou de prise de recul, sont mises à mal, car elles sont considérablement diminuées. Et ce n’est que le premier niveau. Le second niveau, celui qui nous intéresse le plus, à savoir l’Attention subtile et consciente, est du coup lui aussi mis en danger à la suite du premier. En clair, nous ne pouvons prétendre à développer et nourrir notre Attention paisiblement si nous sommes acculés sans cesse. Le droit de vivre en paix, et sereinement, est en danger.

Si vous êtes constamment sollicité par l’extérieur, par des peurs, des remises en question, des pressions sociales, politiques, etc., votre attention va diminuer. Votre temps de cerveau disponible va chuter. Le neuromarketing, les techniques d’ingénierie sociale, combinés à l’impuissance apprise2 forment des cocktails dangereux ou l’indépendance d’esprit et la capacité à réfléchir de manière autonome et paisible est en passe de devenir une gageure.
Alors, bien évidemment, comment prétendre ensuite développer la vigilance, rejoindre l’équilibre intérieur, garder de l’énergie et même faire croître l’énergie ? On le voit bien, il s’agit ici d’une sorte de pyramide de Maslow de spiritualité. Si les besoins de bases sont mis à mal, les hautes sphères seront elles-mêmes mises à mal, voire inaccessibles. Bien sûr, il est possible de trouver la sagesse, y compris dans les camps de la mort nazis4. Mais l’on conviendra aisément que cela relève de l’exception. Au contraire, la question concerne une large majorité et vise à remettre au centre du débat la liberté de penser, et même d’être. Il s’agit bien de pouvoir vivre librement sa spiritualité et donc son lien avec l’invisible.
Or, c’est là un point crucial aujourd’hui. On pourrait qualifier certaines pressions de la société moderne de « guerre psychologique », qu’elle soit voulue ou non importe peu. L’effet est là : les médias, le gouvernement, la vie sociale hyper ordonnée deviennent si pesants, si pressurisants, qu’il est de plus en plus complexe pour la plupart des gens de ne pas sombrer dans des automatismes dignes d’un robot, quand ce n’est pas dans la dépression nerveuse pure et simple. L’automatisme se détecte dans la pensée, le langage, les gestes, les postures et les émotions.
Pourtant, la question de la mécanicité du fonctionnement humain était déjà centrale à l’époque du Bouddha. Et, bien entendu, il n’y avait à l’époque aucun des éléments cités plus haut. Cela nous permet de mettre en perspective et de voir qu’émerger de la mécanicité émotionnelle et mentale a toujours été, du point de vue de la voie spirituelle, un véritable défi. L’Attention est au cœur de la voie spirituelle. Désormais, dans cet âge du Kali Yuga5 qu’est le nôtre, sortir de la mécanicité est devenu à la fois bien plus complexe, du fait même de l’immensité du poids, et en même temps plus facile, du fait même du degré atteint dans l’absurdité mécanique.
Dans ce contexte, en tout cas, garder la vigilance est un défi. Mais ce qui peut devenir intéressant, c’est que cette situation, dramatique à bien des égards, est aussi une opportunité majeure de grandir intérieurement et d’approfondir encore notre pratique. On pourrait ainsi penser que l’ombre est telle qu’elle nous pousse encore plus vers la recherche de lumière et de sens spirituel.

Société et conformisme
L’addiction à la conformité nous aliène et nous pousse à trop souvent nous nier pour ne pas être rejeté. Nous l’avons vu au début de ce livre. Enfants, beaucoup d’entre nous ont dû renier leurs talents et capacités en lien avec l’invisible pour ne pas vivre ce rejet si terrifiant.
Mais l’addiction à la conformité continue à l’âge adulte. Elle nous pousse aussi à rationaliser après coup les violences psychiques (ou physiques) faites aux humains.

C’est ce qu’on a pu constater avec les expériences de Milgram et d’autres aussi. Ceux qui subissent les actes insensés imposés par des systèmes totalitaires se voient ensuite obligés psychiquement de les justifier pour construire leur propre équilibre et ne pas sombrer. Par exemple : demander à des gens de présenter un ausweiss pour circuler librement là où cela est normalement absurde. Tout peut être justifié ensuite par des croyances absurdes : « une part de la population est responsable de nos maux, c’est normal qu’on les parque ou qu’on les emprisonne ». C’est le discours des régimes tyranniques, désignant un bouc émissaire, que ce soit le communiste, le juif, le révolutionnaire, le musulman, l’hindou, etc. Et si l’autorité venait à dire qu’il faut désormais marcher sur une jambe ou passer sa journée masqué, pour le premier on dirait que c’est bon pour la circulation sanguine de faire du cloche pied et pour le second, que c’est bon pour notre système immunitaire.
Rationaliser l’absurde violence qui lui est faite permet à l’humain :
1/ de se dédouaner (c’est l’autorité qui impose cela et pas moi). Nous restons alors dans le déni.
2/ de sauvegarder son esprit de la terrible réalité cachée : la décision démente, violente et irrationnelle qui nous est imposée. Nous restons encore dans le déni.

Ce déni, ce refus de voir en face ce qu’on subit et ce qu’on fait subir permet à l’esprit de survivre. Et même si le sens qu’on attribue après-coup est bien plus absurde que l’acte lui-même, nous nous autopersuadons que c’est pour le mieux (voire le bien de tous).
Enfin, ce même déni nous permet de ne pas être rejeté par le groupe. Même si le groupe vit une déviance autodestructrice, la plupart des gens vont se conformer à tout prix plutôt que de se retrouver seuls et rejetés. Y compris quand la décision est cruelle et folle. Il n’y a qu’à voir les témoignages des gens qui travaillaient dans la chaîne (bureaux, trains, gardiens, policiers, etc.) qui menait aux camps de la mort durant la Seconde Guerre mondiale pour le comprendre.
Si je parle ici de politique, de vie sociale, c’est parce qu’elles sont intimement liées à la sagesse personnelle et que tout cela ne dépend que d’une chose : notre réaction face à cela et donc à notre conscience, car nous ne sommes pas tous tels Diogène, Socrate ou Ramana Maharshi.
C’est notre esprit, grâce à l’Attention, qui est en contact conscient avec l’invisible (nos corps subtils aussi, mais seul notre esprit-conscience permet l’interface monde visible-humain/monde invisible).

Je suis intimement persuadé que l’intuition et l’écoute sensible du monde sont deux piliers cruciaux pour l’avenir de l’humanité.
Notre esprit doit être défendu face à l’invasion de la pensée formatée par d’autres, des croyances prêtes-à-penser et même des schémas émotionnels prêts-à-subir : si vous pensez ça, alors ayez telles émotions ; par exemple : « Ce qui se passe reste terrible ! Nous devons avoir peur ! » Ce message répété en boucle attaque non seulement notre équilibre psychique, mais il implique également une réaction émotionnelle toute faite, sans possibilité de réagir autrement. Or, face à une peur, il est tout à fait possible d’accueillir et de rester vigilant, de faire preuve d’audace ou de perspicacité et de trouver une issue. À l’inverse, si nous glissons dans un seuil de conscience inférieure et rejoignons la mécanicité, il n’y a plus de choix et le message martelé s’impose à nous. Comme des robots, nous réagissons sans même nous en rendre compte. Le message arrive, l’émotion suit. Sans recul, sans conscience. Sans vie. Ce qui rend bien plus manipulable.

Comme le disait Richard Francis Burton : « Fais de ta pensée un empire ». L’idée est de régner sur ses pensées, sur son esprit. Mais aussi de garder celui-ci de toute intrusion extérieure nocive. Là où les publicitaires, les mass médias ou les influenceurs de toutes sortes vont vouloir imposer une idée, une croyance ou une action (acheter, rejeter, désirer telle ou telle chose) ou une émotion (joie, peur, colère), il faudra la stopper.
Mais pour arrêter l’implantation de pensées/émotions issues de l’extérieur, il faut être particulièrement vigilant et la reconnaître quand celle-ci se manifeste. De plus, il convient aussi d’être souple intérieurement, sans quoi nous risquons aussi de devenir rigide à trop vouloir être vigilant. Rappelons, si nécessaire, que la vigilance ne se base que sur une détente intérieure, une danse du dedans.
Bien souvent, percevoir une tentative d’injonction extérieure est un exercice plus subtil qu’il n’y paraît, d’autant plus si nous sommes soumis à des flots continus d’informations. De nouveau, l’importance d’une réserve d’énergie disponible pour l’Attention est nécessaire.
Il s’agit d’entraîner, de pratiquer sans cesse cette écoute de nos pensées ; pour reconnaître les « intrus », percevoir ce qui entre en nous et qui ne le devrait pas. J’évoquais cette pratique dans mon livre « Se libérer des pensées », en la nommant « discrimination » des pensées, de la passer au tamis de la conscience.
Un levier très efficace pour débusquer ces pensées parasites est justement l’impact émotionnel. Dès lors que des émotions se lèvent en vous sans que vous en compreniez vraiment la source, vous pouvez pratiquer ce tamis et vous demander : est-ce une ombre personnelle ou une pensée extérieure à moi qui parasite mon équilibre interne ? Cette pratique est excellente. Mais nous noterons qu’elle demande de s’arrêter un peu régulièrement pour faire un point. Méditer souvent est encore une fois une pratique salvatrice. Mais il faut dégager du temps pour l’exercer.
L’idée de la maîtrise de sa pensée et de la comparaison avec un empire est un élément qu’on retrouve en médecine traditionnelle chinoise et dans le Qi gong – Tai Chi, où le corps et son ensemble énergétique sont comparés à un empire. C’est bien sûr un point lié à l’Histoire elle-même de ces pratiques, car tout était ramené à l’image de l’Empire chinois et de son empereur, équivalent à un Dieu sur terre. Mais comme toujours, la pensée chinoise est multiple et au-delà des apparences se tiennent des subtilités. Ainsi, le Cœur est comparé à l’empereur et c’est lui qui gouverne l’empire énergétique, l’ensemble corps-cœur-tête et son énergie. Pour eux, la conscience n’est pas dans le cerveau, mais dans le Cœur. Il ne s’agit pas ici du cœur organe uniquement, mais du cœur – chakra, du cœur-énergie, le cœur pacifié des passions et des troubles. C’est un point très intéressant parce qu’il décentralise ce que nous mettons nous, Occidentaux, dans le cerveau. L’idée de fond reste pourtant la même : les pensées (et les émotions), qu’elles occupent notre esprit-cerveau ou notre esprit-cœur revient au même.

Bien qu’au final, c’est dans le cœur que la pensée se dissout et que les émotions se font amour et paix.
Notre esprit doit donc se protéger des influences, voire des invasions extérieures. De plus, il peut aussi devenir émetteur et développer une aura plus globale, un rayonnement énergétique plus vaste, comme nous l’avons vu plus haut.
L’écoute du monde intérieur et extérieur inclut bien entendu une écoute active (et consciente) de l’invisible. Et l’écoute sensible du monde invisible ne se limite pas, comme on l’a vu aussi, aux seules pensées, mais se fait par l’ensemble énergétique de notre être. C’est en cela que l’écoute sensible est puissante, parce qu’elle est globale. On n’écoute plus seulement par l’esprit ou par l’énergie, ou encore par l’intuition, on écoute de manière globale.
En nous exerçant à cela, nous devenons beaucoup moins malléable et beaucoup plus large, ancré et je dirais même « puissant », pas dans le sens égotique, mais dans la perspective d’une force intérieure bien plus importante qu’on ne le croit. Cette force intérieure peut déranger. Il n’y a qu’à observer la vie de figures éveillées pour constater à quel point ils ont pu déranger, telles que Socrate condamné à mort par la Ciguë ou Jésus crucifié.

Pour conclure, je suis convaincu qu’il y a une nécessité à revenir à nos vraies natures pour offrir au monde qui nous sommes vraiment. Nous ne sommes pas des humains nés pour consommer ou obéir à quoi que ce soit, mais être complexes, multidimensionnels, riches et chargés de puissances insoupçonnées. Notre richesse intérieure est telle qu’elle peut faire peur. Pourtant, elle libère de l’entrave des prisons rétrécissantes qu’on nous impose à longueur de temps.
Nous devons offrir au monde qui nous sommes et non pas ce que nous faisons (même si on peut offrir ce que nous faisons aussi). Christian Junod affirme que « ne pas offrir qui nous sommes serait laisse le monde orphelin de notre être et de ce que nous pourrions offrir ».

Revenir à notre être profond, différent pour chacun, peut permettre de remettre la connaissance de soi et la connaissance du monde invisible dans la lumière. Et plus encore, cela peut certainement nous donner une écoute du monde invisible qui ne cesse de guider, de nourrir, d’indiquer, que ce soient des voies, des messages, des inspirations, permettant de nous guider dans le visible.
S’il y a des changements de paradigmes à venir, ce dont je ne doute pas, ils se feront certainement par des inspirations nouvelles issues d’écoutes actives de l’ensemble infiniment riche des différents mondes.

Notre esprit, notre vie n’a pas de prix. Elle n’est pas à vendre.
En élevant notre énergie, en ouvrant nos esprits à l’invisible, nous serons capables d’écouter. Et si nous sommes des millions à le faire, une bascule dans de nouveaux paradigmes plus lumineux, plus innovants, est possible. Je garde espoir.”

 

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