[Dernière mise à jour : 10/12/17]

Tout d’abord, la POD, Késako ?

Une fois n’est pas coutume, voici un article un peu plus engagé que d’habitude pour défendre la POD. La POD, « Print on Demand », est traduit en français par « Impression à la demande ». Vous le savez sans doute, un de mes éditeurs (Numeriklivres) propose ses livres en POD. Et j’en suis assez fier même si cela me fait parfois un peu rager, car ce système fait qu’on ne rentre pas dans les cases. Et pour cause… Mais d’abord, observons un peu les choses par un rapide tour d’horizon de la situation du monde merveilleux de l’édition dite traditionnelle.

Mes essais sont publiés à l’heure actuelle via le chemin classique, à savoir: éditeur > imprimeur > diffuseur/distributeur > libraire-revendeur (type grande surface). Je n’ai d’ailleurs pas trop à me plaindre, car au moins un de ces 3 livres a plutôt bien marché ce qui fait de moi un millionnaire… Ha non en fait… Mais continuons de parler du système du livre, sachant qu’ici je vais laisser la question de l’ebook de côté, pour le moment.

Il se trouve donc que je connais désormais les 2 systèmes de diffusion de la chaîne du livre [1] : le traditionnel (avec l’imprimeur, le diffuseur et tout le toutim) et l’autre donc (avec la POD qui propose d’imprimer le livre à chaque commande et d’être livré dans la foulée). Vous pouvez d’ailleurs voir cette vidéo de Samantha Bailly ici qui illustre très bien de manière synthétique ce qu’est la chaîne du livre.

Alors, pourquoi défendre cette dernière approche, alors même qu’au moins un de mes essais a plutôt correctement marché dans la filière dite traditionnelle ? D’abord parce que, il faut le dire, l’approche traditionnelle a vécu. Elle a même engendré des monstres dont il est plus que temps de s’occuper, car ils ont déjà bien mangé nos cultures — avec un mauvais jeu de mots, mes excuses.

 

Etat des lieux

Observons la Bête. À peu près 100 millions[2] (oui, oui !) de livres par an sont détruits au pilon, rien qu’en France. Il y a bien sûr une surproduction folle de livres en amont. Mais pourquoi autant finissent au pilon ? D’abord parce que ça coûte moins cher que stocker. De plus, imprimer un livre en grande quantité coûte également moins cher que d’imprimer peu. Le calcul est vite fait. Seulement voilà, cette démarche est affreusement non écologique. De plus, elle montre que ce système nourrit tout le monde (imprimeur, distributeur diffuseur, vendeur)… sauf l’auteur, sachant que l’éditeur ne s’en sort guère mieux (enfin, ça dépend. Les importantes sociétés d’édition  s’en sortent très bien…).

Vous allez me dire : « quelle importance, les livres sont recyclés ». Bien sûr, mais ne pourrions-nous pas nous passer de ce recyclage ? N’avons-nous rien d’autre à recycler ? Sans compter le temps à perdre avec un système dont le seul but est d’engraisser certains tandis que les principaux intéressés « crève de faim » ? Car voilà le nerf de la guerre, l’argent. Attention, je ne vois aucun problème de  gagner de l’argent avec un livre ! C’est pour moi normal que les membres de la chaîne du livre en vivent, et non survivent… Donc deux problèmes : un système particulièrement injuste et déséquilibré (qu’on pourrait décliner avec la musique, le théâtre, etc.), et de surcroît un système profondément gaspilleur et totalement anti écologique. Rien de neuf sous le soleil. SAUF.

Et voilà, sauf qu’on peut continuer de vendre des livres (il n’y a rien de mal à ça !) mais on peut le faire plus intelligemment, en respectant la planète, et aussi toute la chaîne du livre. Car un livre, ce sont des dizaines des gens qui attendent eux aussi qu’on respecte leur travail. Un auteur (plusieurs milliers d’heures d’écriture, correction, etc.), un éditeur, un correcteur, un traducteur, un graphiste, voilà ce qu’est un livre en amont. Mais ce sont aussi des choses auxquelles on pense moins telles qu’un camion qui roule (diesel, etc.) dans les 2 sens, à l’aller (lieu de vente), au retour (pilon), des arbres coupés pour rien, des cartons de stockage, des plastiques de suremballages et des heures de gestions du côté du libraire, de l’éditeur, perdues pour rien si le livre ne se vend pas. Autrement dit, c’est absurde.

Dans le tableau, il y a aussi des libraires qui stockent des invendus (et pestent à juste titre parce que ‘faut bien les caser ces livres) et qui en plus se font rembourser en avoir (le comble !) le retour du livre en question. Demandez donc à des libraires indés ou aux petits éditeurs ce qu’ils en pensent. Leur trésorerie est à s’arracher les cheveux. Seuls ceux qui ont beaucoup d’argent peuvent s’en sortir, car ils jouent justement sur la trésorerie. Les autres mettent la clé sous la porte. Ni plus ni moins. Donc l’auteur en pâtit, bien sûr, surtout qu’il est en bout de chaîne.

Alors voilà, que cela soit dit : Internet n’est pas le seul responsable de la baisse des chiffres de vente en librairie voire du carnage de la fermeture des petites entreprises de la chaîne. Toute la chaîne du livre est malade et est en train de condamner tout le système par contamination. Elle s’est tirée une balle dans le pied il y a bien longtemps et la plaie purulente suppure. « Faut amputer, docteur. »

Chaque fois qu’un livre sort chez un gros éditeur, un commercial du diffuseur est mis dessus pour le vendre et bien souvent, les gros éditeurs forcent la main — par le biais du commercial — et parie sur la vente de celui-ci. Seulement, celui-ci ne lit pas dans les boules de cristal. Il parie. C’est tout. Et parfois (souvent), il se plante. Soit parce qu’il a mal vu, soit parce qu’il baratinait. Normal. Autrement dit, ces éditeurs et les diffuseurs/distributeurs jouent à la roulette — et au poker — en forçant la main des libraires avec un discours du genre « il est bien mon livre, tu m’en prends 100 ? Promis, ça va se vendre »[3].

Résultat, en fin d’année des cartons entiers repartent du libraire au camion, du camion au hangar du distributeur puis au pilon. Ce même pilon étant ensuite revendu 10 € la botte recyclée. Parfois, le centre de recyclage les paie lui-même pour mettre au pilon ensuite. Tout ça sans compter les mouvements de trésorerie, les délais fous, les visuels de pub à jeter, etc. Bref. Ce système présente les symptômes d’une grave maladie… Pourtant, le colosse se fige, espérant qu’on l’oublie. Il tremblote discrètement dans un coin, enfiévré à cause de sa plaie, plaie qu’il sait incurable…

 

Des perspectives nouvelles ?

Cela fait des années que j’observe tout cela — je suis loin d’être le seul — et que je me dis que le système du rapprochement du producteur et du consommateur qui se fait par exemple dans l’alimentaire (au final comme ça a pu l’être autrefois) est une part de la solution. Toutefois, à l’heure d’internet, la POD représente peut-être une autre part de la solution.

Pourquoi cela représente-t-il une solution ? Parce que la POD répond à une demande réelle, non plus une spéculation sur une vente potentielle future. Vous voulez ce livre ? On vous l’imprime, on vous le livre. Point. Pas de stock, pas de pilon. Pas de délai, pas de trésorerie qui change de main, et surtout pas d’empreinte écologique épouvantable. L’idée est saine et logique.

Oui, MAIS, diront certains auteurs (dont moi) : si ce livre est imprimé à la demande, il n’est que peu ou pas représenté en librairie, et pour cause (tout ce qu’on a dit jusqu’ici). Il n’y a pas la fameuse « mise en place » en rayon de librairie. Le système classique a imposé son point de vue, même si les choses changent peu à peu, mais très lentement.

Bien sûr, donc, qui dit POD dit pas de distribution, ni de diffusion (hormis virtuelle sur le web), etc. Voilà de nouveau où ça coince pour se faire entendre, du moins en apparence. Je me rappelle aussi qu’il y a 20 ans, tout le monde ou presque riait du bio, de l’agriculture raisonnée et de l’idée de privilégier la distribution locale pour limiter l’impact environnemental., nombreux sont ceux qui constatent que c’est un système écologique, intelligent, créant de l’emploi et permettant une vie pérenne de l’écosystème en question. Parfois, les temps changent, en « mieux ». Alors, quand allons-nous l’appliquer au livre ?

Il existe par exemple[4] , depuis peu, les fameuses imprimantes à livres[5] [*mise à jour du 02/10/17 voir ici l’article d’IDBOOX . Alors certes, elles coûtent très cher pour une petite structure, mais achetées à plusieurs ? Pourquoi donc ne pas créer des coopératives regroupant des libraires (et des éditeurs ?) permettant qu’une commande soit faite chez eux et qu’elle soit imprimée sur l’imprimante à livres locale (genre 5 libraires pour 1 machine partagée par petite ville). Ainsi, en démocratisant ce système, on supprime les intermédiaires coûteux, polluants et surtout assez idiots et archaïques ; surtout quand on constate qu’en bout de chaîne, les 100 000 000 de livres sont purement et simplement détruits, que des gens ont travaillé pour rien et parfois se sont même endettés…

En optant pour un tel nouveau système, nous pourrions également continuer de proposer des « mises en place » chez le libraire (indé ou non) mais au lieu d’envoyer 100 livres (ou même 10, que parfois le libraire n’a même jamais demandé, c’est ce qu’on appelle une “mise en place forcée”) d’un auteur, l’éditeur n’en enverrait qu’un seul. Cela laisserait de la place pour les nouveautés, les auteurs moins connus et beaucoup plus d’auteurs pourraient être représentés en librairies indés. Car c’est aussi ça ce système maladif : celui qui a la plus forte puissance marketing écrase tous les autres. Que ses livres soient « bons » ou pas.

Beaucoup de libraires indés font de gros efforts pour aider les auteurs locaux avec des dédicaces et dépôts de livres ou encore en acceptant les fameuses « ventes fermes ». Toutefois, face à la pression des gros éditeurs et donc des grosses ventes potentielles derrière, bien évidemment, elles continuent de jouer le jeu, car bien sûr il faut bien manger à la fin du mois. Et on ne peut les blâmer. De plus, aider les petits auteurs/maisons d’éditions représente un risque pour ces petites structures ou chaque euro compte. Et certaines le font malgré tout, tout comme certains éditeurs aussi, car ils sont bien placés pour constater les dégâts du monstre de la chaîne du livre et veulent que cela change.

Comme le dit l’histoire des colibris, chacun peut changer en participant à sa hauteur, goutte par goutte. Au final, le système entier peut muter. Et je ne doute pas que les choses changent déjà. Peu à peu.

Alors, bientôt une chaîne du livre transformée ? En tout cas, certains éditeurs tels que Numeriklivres, Walrus et bien d’autres tentent d’œuvrer en ce sens et je leur souhaite longue vie.

 

[1] Dans les 2 sens du terme

[2] Sur environ 500 millions de livres fabriqués par an. Sources :

https://www.franceculture.fr/emissions/revue-de-presse-culturelle-dantoine-guillot/dans-le-pilon-il-y-du-bon

http://youpress.fr/2007/11/le-filon-du-pilon/

http://www.librairiemonet.com/blogue/2009/le-monde-du-livre/le-pilon-face-cachee-de-la-chaine-du-livre/

http://onachevebienleslivres.blogspot.fr/p/pilon-des-livres.html

[3] À lire : http://lafeuille.blog.lemonde.fr/2011/10/28/la-fin-de-la-librairie-1ere-partie-ce-nest-pas-linternet-qui-a-tue-la-librairie/

[4] Ce ne sont que des exemples. Il doit probablement exister d’autres idées ou solutions

[5] https://www.actualitte.com/article/monde-edition/cultura-installe-une-grosse-imprimante-a-livre-dans-son-espace-de-la-villette/68546

 

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