Septembre 2013, j’achevais un essai évoquant le travail spirituel sur les pensées. Je l’avais commencé en 2011 et c’était mon troisième livre. Il faisait naturellement suite aux deux précédents. Dans mon premier livre (« Changer ![1] »), j’abordais la façon dont la Voie amène une hausse et un affinement de l’énergie à travers la Présence. Sans énergie, pas de Vigilance et sans Vigilance, pas de Voie. Dans mon second livre (« La spiritualité au cœur du quotidien »[2]), j’avais souhaité traiter de l’aspect de l’intégration de la Pratique de la Présence au cœur de notre vie de tous les jours, insistant sur le fait que la Voie n’est pas extérieure à nous.
À l’époque, je méditais depuis à peu près 8 années. Le sujet des pensées était un thème central pour moi. Arnaud Desjardins – un de mes principaux maîtres – disait :
« Vous n’êtes prisonniers de rien d’autre que de vos pensées. Vous n’avez à vous libérer de rien d’autre que de vos pensées. Voilà la vérité. Et vous n’avez pas d’autre problème que celui de vos pensées. Vous n’avez aucun problème, ni avec votre santé, ni avec votre métier, ni avec votre patron, ni avec vos enfants, ni avec votre femme, ni avec votre voisin, ni avec votre propriétaire, ni avec le maire de votre commune. Vous n’avez qu’un seul problème : un problème entre vous et vos pensées… »
Ce passage, extrait d’un de ses ouvrages[3] mais qu’il prononçait aussi en causerie, m’avait beaucoup marqué. Bien sûr, je l’ai vérifié si souvent que j’ai fini par en faire le livre en question parce que cela me paraissait si fort et si crucial – comme Arnaud le disait lui-même – que je ne pouvais contourner cela. Je devais le partager. Je voulais en faire un essai clair, direct ; un ouvrage qui soit accessible au grand nombre, dépouillé de termes trop pointus mais qui soit en même temps fidèle à la Voie qu’on m’a enseignée.
Sur les points d’achoppement, il y avait, par exemple, la croyance fausse mais fréquente que « se libérer des pensées » signifierait ne plus penser ou supprimer les pensées. Or, c’est impossible. Et ce n’est d’ailleurs pas un but à poursuivre. On laisser passer les pensées, l’une après l’autre et ainsi se révèle l’espace entre les pensées, dévoilant par là-même la véritable nature de l’esprit. Mais c’est une démarche qui est à l’opposé de l’idée de supprimer les pensées ou encore, comme on entend souvent, de celle de « faire le vide », ce qui n’a aucun sens. Intérieurement, s’opposer à quelque chose (ici, l’apparition des pensées) finit toujours par renforcer cette chose. S’opposer, c’est résister. Et résister, c’est créer une force égale qui viendra à notre encontre, comme dans un bras de fer. Combien de fois l’ai-je vécu en méditation : « Non ! Pas encore cette pensée-là ! » et hop, je peste, je souffre et je résiste, et de plus en plus à mesure que la souffrance croît. C’est normal, en résistant, on pense (!) qu’on va se débarrasser du problème. Alors que la seule chose à faire est de relâcher cette pensée, de ne pas s’y attacher, de ne pas y résister. D’ailleurs, ce n’est pas « une chose à faire », c’est un non-faire, une forme d’abandon. Mais je ne vais pas refaire le livre ici…
Au début, j’avais nommé ce livre « Vers la liberté intérieure ». « Se libérer des pensées » n’était à l’époque que son sous-titre. Lorsque mon livre a été accepté par les éditions Almora, José Leroy, le directeur de collection, m’a encouragé à continuer de le sculpter pour en faire un texte plus incisif encore. Et surtout, il a fait passer le sous-titre en titre, ce qui était bien pensé (!). C’est ainsi qu’est né « Se libérer des pensées », qui est le livre que vous avez le plus lu parmi tous mes livres édités (talonné tout de même par le « Concile de Merlin », qui n’a pourtant rien à voir).
Cela me fait constater à quel point ce thème parle aux gens. La puissance écrasante du mental et de la domination en nous de la pensée est un sujet très fort. Tout le monde souffre de l’impact du mental sur sa vie et la plupart ignorent que c’est par la pensée que l’émotion naît. De même, peu des gens savent que nous avons la possibilité de ne plus suivre nos pensées comme des somnambules. Ce sont des sujets cruciaux mais qui ne sont pourtant pas enseignés dans les écoles (quoique désormais la pleine conscience fasse sa place par endroit). On peut aussi questionner les pensées pour ne pas les suivre aveuglément. Et enfin, nous pouvons apprendre à méditer pour nous libérer de l’emprise des pensées. Nous découvrirons alors que le réel n’est pas nos pensées même si nous avons tendance à le croire trop souvent tant nos convictions sont solides. Or, c’est le mental qui interprète le réel et les pensées qui en découlent, si elles sont persuasives, n’en sont pas moins que des pensées et non le réel lui-même.
Ceci nous amène à un point plus profond : nous ne sommes même pas ces pensées. Elles sont là, elles vont et viennent, mais nous ne sommes pas elles. Nous sommes la Conscience qui est au-delà d’elles. Ce livre semble important pour vous, chèr-e-s lectrices et lecteurs, mais il l’est aussi pour moi, pour la façon dont l’écriture de celui-ci m’a aussi poussé dans mes retranchements afin de rendre mes mots et ma pensée (appliquée celle-ci, et non subie) plus clairs, plus accessibles. « Se libérer des pensées » aura finalement été un voyage « vers la liberté intérieure », ce qui est un clin d’œil amusant. J’exprime aussi ma gratitude ici pour cela. Puisse ce livre vous aider, vous toucher, vous accompagner.
[1] Écrit entre 2007 et 2009, il fut une première fois publié en 2012 sous le titre « changement et transformation de soi » aux éditions Altess puis il fut réédité sous le titre « Changer ! Un chemin de transformation de soi » en 2015, aux éditions Almora. [2] Publié aux éditions Accarias-l’Originel en 2014 [3] À la recherche du Soi, volume 4, p.294 : « Tu es cela », Éditions de La Table Ronde, Paris 1979
De Lionel Cruzille
Se libérer des pensées
Résumé éditeur